Dans les cultures de l’honneur, il est légitime, prévisible et même souhaitable d’aller jusqu’à verser le sang pour sauver l’honneur terni. La critique publique est ressentie comme un affront, une atteinte personnelle insupportable. Ainsi dans ces cultures, les gens font très attention à rester «polis», et la liberté de la presse y est impossible, même lorsque leurs lois proclament le contraire.
Or, la modernité est basée sur la liberté du débat public, sur la civilité plutôt que sur le désir de plaire. Cependant, les avantages de l’autocritique en public - tels que les taux d’apprentissage performants, les avancées des sciences et des technologies, le développement économique et la démocratie - valent la peine d’en faire l’effort. [...]
A l’inverse, l’islam contemporain rejette à grands cris et avec véhémence l’autocritique qu’exige la modernité. L’esprit critique lui apparaît comme une attaque insupportable envers l'honneur des musulmans. Ainsi, le djihad mondial et les prophètes apocalyptiques qui entretiennent une rhétorique génocidaire représentent une forme particulièrement virulente de modernité abréactive, dans laquelle les pouvoirs de la société moderne (en particulier la technologie) sont centrés sur la destruction de la culture moderne de débats publics ouverts.
Or, la modernité exige une plus grande maturité, la sécularisation implique plus de civisme de la part des religions et leur interdit de recourir à la force de l’état pour imposer leurs croyances aux autres. Les communautés religieuses doivent renoncer à leur besoin de démontrer qu’elles détiennent la vérité par l'affichage de signes ostensibles de leur supériorité. Cela implique un haut degré de confiance en soi et de tolérance envers la critique publique. […]
Les manifestations actuelles de la résurgence islamique tendent à traiter «l’autre», l’infidèle, avec brutalité. Les périls subis par les Juifs et les chrétiens dans les nations à majorité musulmane se reflètent presque à l’identique dans le comportement musulman dans les enclaves musulmanes en Europe, ces ZUP (zones urbaines sensibles) et autres zones régies par la charia où l’Etat de droit ne s’exerce plus.
Par conséquent, la relation de l’islam et des musulmans à l’autre (koufar, infidèle, littéralement : celui qui masque la vérité) sera le grand problème à résoudre pour la prochaine génération, et au cœur de ce problème réside la faculté des musulmans à tolérer les critiques venant des non musulmans.
Nous, Occidentaux modernes (et post-modernes), qui avons été les pionniers pour établir ces règles grandioses de maitrise de soi, nous qui avons imaginé et créé cette culture si riche, si bigarrée et pourtant si tolérante, nous sommes en droit d’exiger que l’islam adopte ces règles, et surtout de la part de ceux qui profitent de la courtoisie et du civisme de cette société que nous avons créée. En vérité, parce que nous tenons à ces précieuses valeurs de tolérance, de liberté et de générosité envers «l’autre», nous nous devons à nous-mêmes, et aux musulmans parmi nous, de leur imposer ces règles. Tout le reste, y compris l’idée fantaisiste que ce n’est pas là un problème, serait un suicide culturel. Et pourtant, jusqu'à présent, nous réussissons très mal, surtout parce que nous tentons d’éluder le problème. La «sensibilité exacerbée» des musulmans est proverbiale, et une bonne partie du discours public, diplomatique et même universitaire reconnaît tacitement cette réalité culturelle en pratiquant l’apaisement. [...]
Tout au long de cette dernière décennie la situation s’est continuellement dégradée. L’attitude de la gauche auto-proclamée «progressiste» - qui fut, jadis, le bastion des critiques exacerbées envers les abus de pouvoir, la misogynie ou la belligérance – s’est montrée pusillanime à l’extrême envers les musulmans hyper-sensibles. À maintes reprises, comme dans le cas du discours du pape Benoît XVI, ils ont tenté d'empêcher les infidèles, qu’ils traitent d’islamophobes, de dire quoi que ce soit qui pourrait blesser les sentiments des musulmans. En effet, les «progressistes» s’affichent plus soucieux de «nous» voir provoquer une éruption de colère musulmane que d’explorer les sources de cette violence islamique. Et ces bien-pensants attaquent ceux qui défendent les principes de la démocratie en leur jetant l’anathème sur un ton méprisant, ce qu’ils n’oseraient jamais se permettre envers les musulmans.
Pour conclure, revenons-en au «fossé» qui sépare le peuple et les élites. Nos journalistes et nos maîtres à penser éprouvent une forme très particulière d’islamophobie : celle d’une crainte démesurée de critiquer l’islam. Ils trahissent sans aucun scrupule leurs concitoyens, tous ceux d’entre nous qui se sont engagés pour défendre nos règles de vie civique. Nous ne pouvons pas compter sur cette bande de poltrons qui dominent l'espace public pour défendre notre culture politique moderne, tolérante et libérale.
Source : Liberal intellectuals are frightened of confronting Islam's honour-shame culture, par Richard Landes, Telegraph, 19 août 2011. Traduction par Capucine pour Poste de veille
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