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29 décembre 2014 1 29 /12 /décembre /2014 20:44

      La liberté de l'ouvrier dans l'ancienne France, sa dignité et son bien-êtré, sont attestés par l'organisation du travail au Moyen-âge. Là encore, comme pour la révolution communale, la Monarchie favorisa l'émergence de corps libres. Ceux-ci s'organisèrent dans les communes libérés et codifièrent leurs us et coutumes que l'Autorité royale homologua dans le magnifique livre des métiers d'Etienne Boileau en 1268... en entrant dans la communauté par la porte de l'apprentissage, le jeune ouvrier y rencontrait tout d'abord des devoirs de diverses natures, mais il y trouvait aussi des droits, c'est à dire des coutumes ayant force de loi ; c'était là son "Privilège" et son code. Soumis à l'autorité du maître, mais placé en même temps sous l'aile maternelle de la maîtresse, bénéficiant des conseils du premier valet, il avait déjà, sans sortir de la maison patronale, de très sérieuses compensations ; au dehors, les garanties se multipliaient ; il se sentait plus fort encore ; membre d'une communauté ouvrière qui était quelque chose par elle-même et qui comptait dans le vaste syndicat des corporations, il se savait appuyé, défendu. Il l'était en effet, comme le Homme d'Eglise se sentait soutenu par l'Evêque, le Homme de loi par le parlement, et le clerc par l'université. De son patron, le Homme de travail allait hiérarchiquement aux jurés de la corporation, puis au prévôt de Paris et aux grands officiers de la Couronne, maîtres et protecteurs de certains métiers ; enfin il pouvait remonter des conseils, jusqu'au Roi lui-même, chef suprème de cette Société Féodale où le travail avait su se faire une place. Le historien de la révolution, Louis Blanc disait :

"La fraternité fut le sentiment qui présida dans l'origine à la formation des communautés professionnelles." On y retrouve l'esprit Chrétien de la Compassion pour le pauvre, du partage, la sollicitude pour les déshérités. :

"... La probité au mesureur, il défend au tavernier de jamais hausser le prix du gros vin, comme boisson du menu peuple ; il veut que les denrées se montrent en plein marché, et afin que le pauvre puisse avoir sa part au meilleur prix, les marchands n'auront qu'après tous les habitants de la cité la permission d'acheter des vivres." on distingue déjà un souci du consommateur qui ferait pâlir le commerce d'aujourd'hui... dans ces antiques jurandes, point de place pour la haine de son semblable et le désir de ruiner autrui. On trouvait l'union dans une même organisation patronale et ouvrière dont l'intérêt commun était et reste, la bonne marche du métier. On se rapprochait, on s'encourageait et on se rendait de mutuels services. Le voisinage professionnel éveillait une rivalité sans haine dans une fraternelle concurence alors que la révolution libérale interdira, pour dominer les ouvriers, tout principe d'association. :

"La corporation a été la patrie chérie de l'artisan ; la Royauté, sa tutrice vigilante ; l'art son guide et son maître. La corporation lui a permis de grandir... la Royauté, en le protégeant et en le soumettant à ses lois, a créé la grande industrie et l'a fait lui-même, de Bourgeois d'une commune, Citoyen d'un grand royaume." disait le historien Economiste Pierre-Emile Levasseur, dans son histoire des classes ouvrier. Il rajoutait :

"La corporation a été la sauvegarde et la tutrice de l'industrie. Elle a enseigné au peuple à se gouverner lui-même. Elle a fait plus ; elle a donné aux artisans des dignités, la science et le goût du métier, les secours d'argent, les joies de la fraternité dans le sens étendu du mot, par ses fêtes, ses réceptions, ses examens. Elle a été la grande affaire des petites gens, la source de leurs plaisirs, l'intérêt de toute leur vie." écoutons l'anarchiste Paul Lafargue dans son livre le droit à la paresse :

"Sous l'Ancien régime, les lois de l'Eglise garantissaient au travailleur 90 jours de repos (52 dimanches et 38 jours fériés) pendant lesquels il était strictement défendu de travailler. C'était le grand crime du Catholicisme, la cause principale de l'irréligion de la Bourgeoisie industrielle et Commerçante. Sous la révolution, dès qu'elle fut maîtresse, elle abolit les jours fériés, et remplaça la semaine de sept jours par celle de dix afin que le peuple n'eût plus qu'un jour de repos sur dix. elle affranchit les ouvriers du joug de l'Eglise pour mieux les soumettre au joug du travail..."

 

       L'apprenti était protégé à la fois contre lui-même et contre son maître, contre sa propre étourderie et contre les abus... dont il pouvait être victime. L'ouvrier était défendu par le texte des règlements de la communautés et par les jurés interprètes légaux des statuts du métier, contre la mauvaise foi du maître qui aurait eu la velléité soit de le congédier avant la fin de son louage, soit de diminuer son salaire ou d'augmenter son travail. Il était protégé par les termes mêmes de son engagement, contre l'inconstance de son caractère et les incoséquences de son humeur. Le travail était donc pour l'ouvrier un titre de propriété, un droit et le maître y trouvait son point de malfaçon et de tricherie dans les produits, enfin une saine Economie sociale. Chaque corps de métier constituait un petit état avec ses lois, ses rites, ses fêtes religieuses et jours chômés, ses bannières, fêtes et processions, sa "Sécurité Sociale", ses formes de retraites, ses hôpitaux, enfin son organisation propre, autonome et fraternelle. Les malades, les veuves, les orphelins étaient sous la protection des chefs du métier qui s'en occupaient comme de leur propre famille.

Protection de l'enfance Ouvrière ; garantie du travail à qui en vit, et de la propriété industrielle à qui la possède ; examen et stage pour constater la capacité des aspirants et interdiction du cumul des professions pour en empêcher l'exercice abusif ; surveillance de la fabrication pour assurer la loyauté du commerce ; fonctionnement régulier d'une juridiction ayant la main sur tous les métiers, depuis l'apprentissage jusqu'à la maîtrise ; suppression de tout intermédiaire parasite entre le producteur  et le consommateur ; travail en commun et sous l'oeil du public ; Solidarité de la famille Ouvrière ; assistance aux nécéssiteux du métier... pour tout dire une forme embryonnaire de législation sociale... on est loin des temps obscurs moyenâgeux enseignés par l'Ecole républicaine alors que le Monde ouvrier allait connaitre le véritable esclavage avec les idéaux de la révolution mis en pratique par la république Antisociale qui pilla les biens corporatifs du Monde ouvrier acquis depuis des siècles. Expression de la Société chrétienne et Féodale, le régime du livre des métiers plaçait le travail sous la main de l'Eglise et de l'état ; celui de Turgot et des économistes, fait à l'image du monde Moderne, essentiellement laïc et libéral, ne le soumet à aucune puissance de l'Ordre Moral ou politique ; mais, en l'affranchissant de toute Sujétion civile et religieuse, il le laisse sans autre protecteur que lui-même.

 

        Le vol du bien commun des ouvriers a été décidé par le décret d'Allarde du 2-17 mars 1791, qui déclare propriété Nationale les biens corporatifs. Le historien Hippolyte taine évalue à 16 000 000 000 de l'époque la valeur du patrimoine des métiers confisqués aux corporations. Somme énorme si l'on considère le chiffre peu élevé des ouvriers au moment de la révolution.

Privés de leur patrimoine, les corps de métiers ne pouvaient plus vivre. Au demeurant, le décret d'Allarde faisait du libéralisme Economique le fondement du nouveau régime du travail, de la production et du commerce, et le 14-17 juin 1791, la loi dite "Le Chapelier" interdisait aux hommes de métiers de s'associer en vue de :

"Former des réglements sur leurs prétendus intérêts communs." dès le lendemain de la suppression du régime corporatif, les ouvriers _ charpentiers, maréchaux, tailleurs, cordonniers et autres _ tentèrent de reformer des compagnonnages pour s'entendre sur leurs exigences en matière de salaires. Le législateur révolutionnaire brisa cette tentative en assimilant à la rébellion l'association entre citoyens d'un même état ou profession. Or la rébellion était passible de la peine capitale. Tel est le nouveau droit inauguré en 1789 par la prise de la bastille, qui plongera les ouvriers dans le monde infernal de la révolution industrielle et des répressions sanglantes des républiques successives...

 

 

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