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15 août 2012 3 15 /08 /août /2012 17:39

 thumb.small.veronique_bouzou.jpg       Par Véronique Bouzou. Bien réac : ce n’est pas moi qui le dis, c’est Bruno Icher, un journaliste de Libération. Voici son verdict sur le film de Tony Kaye qui narre les malheurs d’un prof remplaçant : « Dans le droit fil des âneries habituelles sur les voyous analphabètes qui persécutent les profs des collèges, Detachment s’inquiète de la dérive d’un personnage (Adrien Brody) qui aurait pu être intéressant si la mièvrerie des situations et la laideur de la forme ne le réduisaient pas au statut de mannequin inerte (…).

Detachment enchaîne ensuite tous les clichés possibles, depuis la condescendance assez antipathique des personnages pour les enfants perdus qui n’apprennent plus rien, jusqu’à la condamnation solidement réac des parents d’élèves auxquels, dit Adrien Brody, il faudrait faire passer un examen avant qu’ils aient des enfants ».

       Exactement le genre de propos « gauchiottes » qui me donne envie d’être encore plus Réac que je ne le suis déjà (c’est dire !). Il est vrai que les « voyous analphabètes » ne courent pas les couloirs de la rédaction de Libé en persécutant les journalistes bobos qui s’y trouvent. Mais cela n’empêche pas ces derniers de pondre leurs proses bien-pensantes et de s’ériger, le cul bien rivé sur leur chaise pivotante, en défenseurs de l’indéfendable. Et pour cause : ces plumitifs souffrent terriblement du fait que ce film traduise la réalité et ne rentre pas, pour une fois, dans les petites représentations mentales qu’ils se font autour des « pépites » de la nation et des vertus du « vivre ensemble ».

        Pour être allée voir ce film diffusé dans très peu de salles (tiens, comme c’est bizarre…), je vous le recommande vivement. Adrien Brody campe parfaitement bien le personnage d’Henry Barthes, professeur remplaçant nommé pour trois semaines dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Désabusé, il perçoit intimement la vacuité de sa tâche dans une société où le langage est devenu vide de sens et où les dérives rappellent à s’y méprendre celles du monde totalitaire de 1984 décrit par George Orwell. Detachment est résolument sombre et pessimiste mais d’un réalisme saisissant. Il est question de la judiciarisation à outrance à l’Ecole avec des parents démissionnaires qui ne prennent contact avec les enseignants que pour réclamer ce qu’ils estiment abusivement être leur dû.

Les professeurs ne parviennent plus à transmettre quoi que ce soit à des élèves qui ne s’intéressent à rien, qui ne respectent rien ni personne et qui errent dans un monde où la culture n’a plus aucune place. Or, dans la réalité, ce qui mine les enseignants, c’est bien ce gouffre abyssal qui les éloigne de leurs élèves, le manque d’étincelles dans les yeux de ces derniers et leur désintérêt pour les savoirs. Dès lors, il n’y a plus aucune communication possible, le mur est infranchissable. Seuls quelques élèves s’en sortiront : des petits miracles qui aident les professeurs à poursuivre leur travail de Sisyphe…

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